Aurelie : Le premier emploi que j'ai ciblé était un emploi saisonnier, de vendangeuse dans un vignoble. Mes coups de téléphone ont rapidement abouti à une embauche pour deux mois dans un des plus anciens vignobles du pays, Cousino Macul, situé dans la métropole de Santiago. J’ai signé un contrat de 45 heures par semaine, avec pour tâche principale la cueillette (payée au poids), mais également des tâches annexes telles que la diffusion d'engrais dans la vigne, ou encore le nettoyage des caissons J’avais fait des vendanges en France, que j’avais vécues comme un moment convivial, mais j’ai trouvé que c’était différent ai Chili : ce travail est peu valorisé et beaucoup de personnes l’exercent par défaut. Le salaire, si on le rapporte au coût de la vie, est nettement moins élevé qu’en France (comme pour beaucoup d’emplois au Chili).
Je me suis ensuite installée à Valparaiso, où j’ai d’abord fait du volontariat dans une auberge de jeunesse, pendant un mois, le temps de trouver un travail. J’ai cette fois-ci ciblé en priorité le secteur de la restauration. J’ai commencé mes recherches en juillet, autrement dit en saison touristique creuse, et il m’a fallu m’armer de patience et prendre toutes les occasions temporaires de gagner un peu d’argent qui se présentaient. Finalement, j’ai commencé à me stabiliser en septembre, avec un poste de serveuse dans un restaurant traditionnel chilien qui me plaisait beaucoup, et un complément d’activité de guide touristique.
C’était sans compter sur le mouvement social qui allait éclater le 18 octobre 2019… Les clients se sont raréfiés et j’ai perdu mon travail au restaurant. J’ai décidé de m’accrocher et de rester, et en suis très contente : j’ai rebondi en quelques semaines, et je suis finalement arrivée à me dédier quasi-exclusivement à la profession de guide touristique, en travaillant pour trois agences différentes (et en exerçant un complément d’activité de baby-sitter). Petit à petit, en quelques mois, j’ai ainsi accédé à des emplois de plus en plus intéressants et de mieux en mieux rémunérés.
J’aimerais donner un conseil aux futurs pvtistes : n’hésitez pas à viser un emploi moins qualifié ou valorisé que dans votre pays d’origine. Chaque emploi vous en apprendra un peu plus sur le pays où vous séjournez et vous fera rencontrer des personnes intéressantes
pvtistes : Quelles sont les plus grandes différences entre la vie en France et au Chili ?
Aurelie : Justement cet aspect que je viens de mentionner : dans un état aussi libéral, avec de forts écarts salariaux et un état œuvrant très peu pour l'accès de tous à l’éducation, à la santé, à un logement, ou encore à des aides sociales, les inégalités sociales sont très importantes.
Pour vous donner un exemple tout simple montrant le faible pouvoir d’achat d’une grande partie de la population, imaginez-vous qu’au supermarché, une plaquette de chocolat ou une boîte de tampons peuvent valoir à elles seules une heure de travail au salaire minimum ! Un mouvement social d’une ampleur inédite a commencé en octobre au Chili, l’estallido social, en réaction à ces inégalités criantes.
Il y a aussi une culture importante de la débrouille. J'ai rencontré plusieurs personnes qui ne se retrouvent pas dans un système où il faut consacrer 45 heures de son temps hebdomadaire à un emploi permettant tout juste de s'en sortir, recourent à d'autres manières de gagner leur vie, comme vendre de la nourriture ou d’autres objets dans la rue, où se mettre à leur compte. Je souligne cependant que les vendeurs de rue sont plus nombreux à exercer ce travail par nécessité, et non pour ne pas avoir à vivre selon le modèle contraignant du salariat. Quoi qu’il en soit, le résultat est que les rues des villes d’Amérique du Sud, particulièrement à Valparaiso pour l'exemple du Chili, sont joliment animées par ces métiers qui se réinventent en permanence ! Vous imaginez cependant que dans ce contexte où beaucoup de personnes vivent de l’économie informelle, le coronavirus entraîne des difficultés économiques particulièrement graves.
Un autre aspect de cette culture de la débrouille et de la spontanéité est qu'il était assez facile, jusqu’au mois de mars, de mettre en place des actions culturelles dans l'espace public. Beaucoup d'artistes de cirque et de danseurs gagnent un peu d'argent en se donnant en spectacle aux feux rouges, des amateurs de danses latines se mettent d'accord chaque semaine sur un parc où se réunir, sono en main, pour partager un cours et pratiquer leur passion, des cours de toutes disciplines peuvent être donnés sans difficultés administratives par ceux qui le souhaitent à condition de disposer d'un local… Tant d'actions pouvant être mises en place qui font que si on est bien informé, avec ou sans le sou, on a peu de raisons de s'ennuyer !